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La Maison Dumas dans le Vieux-Montréal

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par Dr. Juliette Champagne

Née dans une communauté francophone du nord-est de l’Alberta, Juliette Champagne s’est spécialisée dans les ressources archivistique de langue française concernant dans l’ouest canadien. Elle détient un doctorat en histoire de l’Université Laval et travaille présentement sur les lettres du missionnaire français Hippolyte Beillevaire, qui œuvra auprès de la communauté métisse de la rivière Bataille et des colons qui s’installèrent dans cette région pendant presque 37 ans. Elle espère pouvoir publier le manuscrit bientôt. Elle habite à Edmonton avec son conjoint.

Où est la Maison Dumas?

La Maison Dumas est une des deux plus anciennes maisons de Montréal, située à la 445 rue Saint-Paul, tout près du Vieux-Port et de la Place d’Armes où se trouve l’Église Notre-Dame, la plus ancienne de la ville, et la Banque de Montréal, qui est située où il y avait jadis un cimetière avec sa petite chapelle.[1] Restauré, la Maison Dumas est redevenue un magnifique logis unifamilial, qui depuis sa construction en 1757, a connu de nombreuses incarnations.

Qui en fut le premier propriétaire?

Le terrain, avec une maison en bois, est acheté par Eustache Prévost, tonnelier, en 1750 et est situé tout près de la Canoterie royale où sont préparés les expéditions militaires. Le tonneau est alors le récipient qui sert pour le transport de presque tout - des liquides, comme le vin, mélasse, vinaigre, des objets en vrac, tel des clous ou des denrées (farine, sucre, etc.) puisqu’il est robuste et facilement manœuvrable. Tout près du Vieux-Port, le tonnelier écoule son produit, et ses affaires marchent, car en 1757, durant la guerre de Sept Ans, il engage le maçon Joseph Brazeau pour lui construire une maison en pierre. Suite à la Conquête, Prévost présente une lettre de change, le premier juin, 1763, pour la somme de 3,696 livres afin de la transférer à la devise du nouveau gouvernement, démontrant que ses affaires étaient suffisamment prospères.[2] En 1798, le fils d’Eustache, Charles, probablement pour mieux loger sa famille, fait ajouter un deuxième étage par le maçon Jean-Baptiste Senet, tout ceci d’après les excellentes informations de la fiche de bâtiment de la ville de Montréal.

Comment était la maison d'origine ?

La devanture et le carré sont en pierre grise taillée de Montréal, des moellons de calcaires, tandis que les murs latéraux sont en pierre des champs, leur donnant une grande variété de couleurs et de formes. Le rez-de-chaussée est surélevé, avec de grandes fenêtres sur la devanture et une énorme cheminée, qui existe toujours, essentielle pour la préparation des tonneaux, avec une trappe du cendrier avec une porte en fonte sur le bas. Les pierres de la cheminée du foyer au sous-sol, tout comme les quatre autres, sont en pierre grise; deux ont été convertis au gaz naturel.[3] Le toit a deux versants est remplacé vers la fin du XIXe siècle par un toit partiellement plat, et un faux brisis avec quatre jolies lucarnes.

Une photo de 1965 sur la fiche de bâtiment montre que le propriétaire était en train d’effectuer des modifications aux fenêtres, qui sont maintenant des belles fenêtres à vantaux, typiques d’une habitation du XVIIIe siècle. Avec le temps, les travaux de restauration ont replacé l’entrée principale telle qu’elle était au début. La porte extérieure est surplombée d’une grande fenêtre qui éclaire les escaliers du rez-de-chaussée et du sous-sol. Le sous-sol est maintenant un appartement fourni qui se loue aux touristes. D’après la photo de 1965, on voit qu’il y avait aussi une porte basse dans ce qui est maintenant la première fenêtre à la droite de la porte d’entrée. Cette porte accédait à un logis à part, le 447, rue Saint-Paul Est et était probablement d’origine, donnant accès à l’atelier du tonnelier de la rue. On voit aussi que la fenêtre à l’extrême droite était plus grande. De plus, il y avait à la droite du bâtiment un passage vers l’arrière, où ce terrain devait servir pour entreposer le matériel pour la construction des tonneaux et le stockage du produit final.

Que savons-nous de ces premiers propriétaires?

Une entrée dans le Dictionnaire Biographique du Canada précise qu’un certain Martin Prévost est en Nouvelle France depuis au moins 1639 et considéré comme l’ancêtre de la plupart des Prévost de l’Amérique du Nord.[4]  Installé à Beauport, en 1644, il épouse en premières noces, l’Amérindienne, Marie-Olivier-Sylvestre-Manitouabeouich avec qui il aura neuf enfants. Il s’agit du premier mariage officiel d’un Français avec une Amérindienne en Nouvelle France. Il est possible qu’Eustache Prévost de Montréal descend de cette lignée métissée. En 1665, Martin épouse en secondes noces, Marie d’Abancourt, veuve de Jean Jollyet, les parents de Louis Jolliet, explorateur du Mississippi.[5] Rien ne confirme que Jolliet a eu de l’influence sur la famille Prévost, mais ce serait possible. Nous trouvons des traces d’un Eustache Prévost à Montréal au début du XVIIIe siècle et, au cours du siècle, sur le tonnelier Eustache, décédé en 1789, ainsi que sur sa succession et leur patrimoine dans les Archives nationales du Québec.[6]  Généalogistes et chercheurs pourraient passer pas mal de temps à démêler toute cette histoire dans ces fonds d’archives.

Que savons-nous de ses locataires?

La maison reste dans la famille Prévost jusqu’en 1823, lorsque qu’elle est vendue au marchand Toussaint Dumas, qui la revend à son fils Norbert en 1839, qui avait une propriété dans les environs.[7] Elle est inoccupée pendant quelques années, et, ensuite, louée. Les héritiers Dumas restent propriétaires jusqu’en 1951. Toujours en location jusqu’en 1990, William P. Keating l’avait acheté en 1964 et revendu en 1972. Au XIXe siècle, la maison est divisée en deux logis, et aura divers occupants, notamment, une auberge tenue par Thomas McCormick durant les années 1850, et le cordonnier Joseph Ayotte y habite et y tient sa boutique durant les années 1870. Elle fut aussi une maison de chambres loués à la semaine, et il y eu un petit casse-croute à cet endroit.

Maintenant complètement restaurée, cette belle maison témoigne d’un passé mouvementé dans la ville de Montréal toujours en croissance. Il est à souhaiter que les ressources en ligne de la province du Québec inspirent les autres provinces et territoires du Canada d’en faire autant avec leurs fonds d’archives pour permettre de sonder à fond l’histoire de leur patrimoine.

 

[1] Vieux-Montréal – Fiche d'un bâtiment : Maison Eustache-Prévost (montreal.qc.ca)

[2] « État général des états et certificats tant de la ville de Montréal que des forts et postes […] approuvé de Son Excellence Monsieur le Gouverneur », Bordereau No. 24, Rapport de l’Archiviste de la Province de Québec pour 1924-1925, Ls-A Proulx, Imprimeur de sa Majesté le Roi, 1925, p. 344.

[3] Maison historique dans le Vieux-Montréal | La Presse

[4] Honorious Provost, Biographie – PRÉVOST (Provost), MARTIN – Volume I (1000-1700) – Dictionnaire biographique du Canada

[5] André Vacon, Biographie – JOLLIET, LOUIS – Volume I (1000-1700) – Dictionnaire biographique du Canada

[6] Autorisation de Jacques Viger à vendre des immeubles appartenant à la succession de feu Eustache Prévost | BAnQ numérique

[7]Vieux-Montréal – Fiche d'un bâtiment : Immeuble Norbert-Dumas (montreal.qc.ca);  Norbert Dumas - Assemblée nationale du Québec (assnat.qc.ca)

Extrait du rôle d'évaluation foncière, Ville de Montréal

marie france chartrand

April 8, 2024

Bonjour,
Eustache Prévost tonnelier, marié en 1741 à Jeanne Valade est le fils d’Eustache Prévost, tonnelier et de Marie Catherine Brazeau mariés en 1715 et petit-fils d’Eustache Prévost et d’Élisabeth Guertin (mariage 1673) et non pas de Martin Prévost.
Merci.

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